Produits laitiers riches en matières grasse : quel impact sur la santé ?

Les produits laitiers, voici un sujet qui fera toujours couler beaucoup d’encre. Bons pour la santé ou non ? Paléo ou pas ? Les débats seront toujours enflammés…

Ce qui est certain, c’est que les produits laitiers sont souvent cités parmi les aliments les plus allergènes, ils peuvent être néfastes pour le système digestif et immunitaire, bloquer la perte de poids et être impliqués dans l’apparition de certains cancers. Mais de quels produis laitiers parle-t-on ici ? Il faut distinguer tout d’abord le type de produit laitier (lait, fromage, yaourt, etc.) mais aussi la provenance (bêtes biologiques, élevées en pâturage ou nourries aux grains, etc.) et la contenance en matières grasses.

Comme beaucoup, j’ai pendant longtemps favorisé le fromage blanc 0% et banni tout produit laitier riche en matière grasse. Mais au fur et à mesure de mes lectures, de mon adhésion à la paléo et de l’adoption d’un régime plus riche en lipides et pauvre en glucides, j’ai délaissé les produits laitiers 0%. Personnellement, j’essaye progressivement de supprimer totalement les produits laitiers de mon alimentation, mais cela est le fait d’une intolérance et parce qu’ils aggravent un problème digestif dont je souffre. Mais je n’inviterais pas forcément tout le monde à en faire de même, s’il n’y a pas d’intolérance, et en faisant un vrai tri parmi les produits consommés.

C’est la raison pour laquelle la position de Mark Sisson me semble intéressante. Il fait preuve de pragmatisme, en acceptant les produits laitiers dans l’alimentation primale, mais en nous aidant à choisir des aliments bénéfiques pour notre santé. Je partage avec vous ma traduction d’un de ses articles sur le sujet.

 

Article traduit du blog de Mark Sisson Mark’s Daily Apple, avec son aimable autorisation.

Vous pouvez le retrouver sur Twitter et sur Facebook

Should You Be Eating High-Fat Dairy?

Un des points qui distingue l’alimentation primale des autres types d’alimentation ayant une approche ancestrale, c’est l’acceptation de la consommation de graisses laitières. Bien sûr, les personnes intolérantes aux produits laitiers ne doivent pas en consommer, mais à ma connaissance une grande partie de la population supporte très bien les produits laitiers lorsqu’ils sont non allégés en graisse et de qualité, notamment le beurre, le yaourt, et le fromage. Nous aimons ces aliments pour plusieurs raisons : ils ont bon goût, ils rendent les légumes plus appétissants et nourrissants. Ils sont eux-mêmes riches en nutriments, contiennent des vitamines liposolubles et des minéraux importants. Quant aux composants qui sont potentiellement problématiques avec les produits laitiers (la whey, la caséine et le lactose), ils sont soit absents de ces produits ou atténués par la fermentation. Les produits laitiers fermentés sont une bonne source de probiotiques également. En somme, il peut être intéressant d’inclure dans votre alimentation des produits laitiers si vous pouvez le faire.

Une bonne partie du monde nutritionnel semble même être d’accord avec nous sur ce point. Ces dernières années, nous avons vu fleurir un certain nombre d’études épidémiologiques, de méta-analyses et d’essais cliniques remettant en question l’affirmation selon laquelle les produits laitiers allégés en matière grasse seraient meilleurs que les produits laitiers non allégés. Même Walter Willet d’Harvard, cet amoureux de l’huile de lin, encourage à la consommation les produits laitiers riches en graisses. Les recommandations officielles quant à elles sont en retard, comme toujours, mais les choses changent. Si vous consultez ces études, vous verrez que non seulement elles innocentent les graisses laitières, mais en plus elles démontrent de plus en plus qu’il y a des liens entre ces graisses laitières et une meilleure santé.

  • Une récente étude intitulée « Lait dans l’alimentation : bon ou mauvais pour la santé cardio-vasculaire ? » a mis en avant des preuves indiquant qu’une « consommation accrue de lait ne provoquait pas d’augmentation de la mortalité cardio-vasculaire et pourrait même avoir des bénéfices sur le long terme ». Parmi ces bénéfices, une pression sanguine réduite et une perte de poids. Les acides gras saturés des produits laitiers semblent être bien moins nocifs que ce l’on pensait auparavant.
  • En ce qui concerne les femmes, une récente étude a prouvé que les effets des produits laitiers sur les maladies cardio-vasculaires dépendaient entièrement du type de produit laitier consommé. La consommation de fromage est inversement associée au risque de crise cardiaque alors que le beurre consommé avec du pain augmente les risques. Par contre, et c’est sans surprise, le beurre utilisé en cuisine n’augmente pas les risques.
  • Une autre étude sur l’influence des acides gras du lait sur la mortalité cardio-vasculaire, les maladies coronaires et les risque de crise cardiaque arrive à la conclusion suivante : « Si le beurre et d’autres sources d’acides gras laitiers peuvent dans certains cas contribuer à l’augmentation du cholestérol LDL-C (« mauvais »), lorsqu’ils sont utilisés en substitution des glucides et des acides gras insaturés ils augmentent le cholestérol HDL (bon cholestérol) et peuvent même améliorer le ratio HDL/cholestérol total. ».
  • Enfin, une étude a prouvé que ni les produits laitiers allégés en graisse ni les produits laitiers riches en graisses n’étaient associés aux maladies cardio-vasculaires. Cependant, les produits laitiers fermentés riches en graisses auraient même une action protectrice contre la mortalité cardio-vasculaire.

Cependant, la plupart de ces études se basent sur les souvenirs que les participants ont de leur alimentation, ce qui reste peu fiable. Vous souvenez-vous de la quantité de graisses laitières que vous avez consommées il y a cinq ans ? Ou cinq mois ? Voire même il y a cinq jours ? Il est plus approprié de s’intéresser au lien entre les problèmes de santé et les biomarqueurs de la consommation de graisses laitières, d’acides gras ou de nutriments spécifiques aux produits laitiers (ou au moins rares dans d’autres aliments) et qui sont synonymes de consommation de graisses laitières lorsqu’ils sont présents dans les tissus ou dans le sang :

  • Chez les adolescents en surpoids, les niveaux d’acide pentadécanoïque et d’acide heptadécanoïque, des acides gras saturés spécifiques aux produits laitiers, sont associés à des marqueurs de l’inflammation moindres, même en tenant compte de la consommation de calcium, vitamine D, protéines et oméga-3.
  • Des niveaux élevés d’acide trans-palmitoléïque (une graisse laitière) sont associés à une plus faible résistance à l’insuline, une diminution de la dyslipidémie et des risques de diabète.
  • Bien qu’une plus grande quantité d’acide trans-palmitoléïque circulant signifie plus de LDL-C (« mauvais » cholestérol), il signifie aussi moins de triglycérides, une meilleure pression sanguine et moins de diabète selon une étude réalisée sur un échantillon comprenant des américains blancs, noirs, asiatiques et latinos. L’acide pentadénacoïque circulant est aussi lié à une réduction des maladies cardio-vasculaires dans ce même échantillon. Je prends volontiers le LDL-C plus élevé si c’est pour avoir tous ces bénéfices.
  • La consommation de ménaquinones (vitamine K2), « qui dépend principalement de la consommation de fromage gras » est associée à un moindre risque de cancers.

La graisse laitière contient plus de 400 espèces d’acides gras, qui en font la graisse naturelle la plus complexe. Toutes les espèces n’ont pas été étudiées mais il y a tout de même des preuves appuyant le fait qu’un certain nombre d’entre elles ont des effets bénéfiques.

Acide linoléique conjugué

Vous devez connaitre l’ALC (Acide Linoléique Conjugué). Il s’agit de la bonne graisse trans, celle qui fait que les végétariens s’emportent contre les produits laitiers qui « contienne des graisses trans ! ». Jusqu’à ce qu’on leur explique calmement la différence entre les graisses trans produites par l’homme dans les huiles végétales partiellement hydrogénées et les graisses trans bénéfiques et produites dans le système digestif des bovins et des ovins.

J’ai déjà abordé le sujet des ALC il y a quelques années, en focalisant surtout sur la différence entre les ALC compléments (principalement trans-10 et cis-12) et les ALC produits naturellement (dans 90% des cas cis-9 et trans-11), je ne reviendrai donc pas longuement dessus. Ce qu’il est suffisant de dire c’est que les ALC en compléments sont tout à fait différents et ont des effets qui ne peuvent absolument pas être extrapolés aux ALC contenus naturellement dans les produits laitiers. Les doses sont bien plus importantes et la structure est différente. Cela étant dit, il a été démontré que les produits laitiers naturellement riches en cis-9 et trans-11 avaient des effets bénéfiques. Dans un essai de 2010, du pecorino romano (un fromage de chèvre riche en ALC et que je recommande) a amélioré les marqueurs de l’inflammation et l’athérosclérose chez des sujets humains, en comparaison à un groupe de contrôle ayant consommé du fromage faible en ALC.

Acide butyrique

L’acide butyrique est un acide gras à chaine courte produit dans le système digestif des mammifères grâce à la fermentation des fibres par les bactéries intestinales. Puisque les ruminants comme les vaches ruminent des tonnes de matière végétale fibreuse, elles produisent beaucoup d’acide butyrique qui finit dans la graisse laitière. La plupart des recherches effectuées se sont concentrées sur les bénéfices de la production endogène d’acide butyrique dans le colon, mais une étude suggère que la consommation d’acide butyrique dans des quantités équivalentes à celles consommées avec des graisses laitières peut également avoir des effets bénéfiques pour la santé.

Cependant, c’est un complément d’acide butyrique antérosoluble qui aidé 53% des sujets atteints de maladie de Crohn « légère à modérée » à guérir et 16% à obtenir une amélioration partielle, pas simplement une bouchée de beurre. Les antérosolubles permettent aux compléments d’agir au niveau du colon, tandis que le beurre sera digéré avant. Je suppose qu’un système digestif défectueux peut laisser un peu de beurre (et donc d’acide butyrique) atteindre le colon, mais ce n’est pas une situation souhaitable. Les résultats de cette étude ne peuvent donc pas être applicables à la consommation de beurre.

Membrane de globule gras de lait

La graisse laitière est encapsulée dans ce que l’on appelle une « membrane de globule gras de lait » qui comprend aussi d’autres composants bioactifs qui semblent avoir des effets bénéfiques. En fait, il a été prouvé que la consommation de babeurre qui est riche en membranes de globule gras de lait réduisait la pression sanguine chez des sujets humains. Une autre étude a montré une réduction du cholestérol, particulièrement les triglycérides, grâce à la consommation de babeurre.

Qu’en est-il des produits laitiers allégés ?

Les produits laitiers allégés ne semblent pas aider à améliorer la pression sanguine ou à faire baisser la quantité de graisse. Ils n’ont soit aucun effet soit un effet négatif car ils peuvent faire augmenter les marqueurs de l’inflammation, alors que la consommation de beurre, de crème ou de fromage a des effets bénéfiques ou neutres sur l’inflammation. Et, bien que le lait soit souvent impliqué dans l’apparition de cancers, cela ne se vérifie que pour le lait écrémé ou allégé, tandis que le lait entier semble avoir une action protectrice.

Parmi tous ces bénéfices potentiels des acides gras spécifiques aux produits laitiers, j’aurais du mal à donner plus d’importance à un acide gras particulier par rapport à un autre. Les produits laitiers sont des aliments bruts et complets et c’est plutôt tout le package qui est responsable des effets bénéfiques. D’autre part, il est difficile voire même impossible de distinguer les acides gras des autres nutriments dans les produits laitiers. L’ALC est accompagné du calcium, des membranes de globules gras de lait, de la vitamine K2, du potassium, des protéines, etc. Et même si nous pouvons isoler les effets des différents nutriments et les étudier, cela serait ne pas tenir compte de tout ce que nous consommons. Lorsque nous croquons dans une tranche de vieux gouda ou ajoutons une noisette de beurre (issu de bêtes élevées en pâturage) sur des brocolis ou lorsque nous buvons du kéfir, tous les composants des produits laitiers se mélangent dans notre bouche et notre système digestif et sont incorporés dans et utilisés par nos tissus. Nous ne pouvons pas, de façon pratique, séparer les nutriments des produits laitiers, et pourquoi voudrions-nous le faire ? Si nous le faisons, nous finissons avec des compléments d’ALC qui ne fonctionnent pas aussi bien que les produits laitiers issus de bêtes élevées en pâturage. Contentez-vous de consommer les produits laitiers comme y encouragent les études et des millénaires de tradition de dizaines de cultures.

Quoi qu’il en soit, ce que contiennent les produits laitiers non allégés améliore notre santé bien plus que les produits laitiers allégés, et c’est ce qui compte le plus. A vous de choisir ce que vous préférez : du lait cru ? Buvez-en si vous en avez et en voulez. Un vieux fromage de chèvre ? Enjoy ! Du yaourt ? Allez-y ! Tous ces aliments semblent être associés à des effets bénéfiques pour la santé, notamment pour protéger contre la mortalité cardio-vasculaire, le diabète et l’obésité.

Qu’est-ce que tout cela veut dire finalement ? Peut-on dire que les produits laitiers non allégés en matière grasse sont compatibles avec l’alimentation primale sans risquer de se faire lyncher ? Si vous les tolérerez, alors je suppose que oui.

Dans un prochain article, nous verrons comment savoir si vous êtes intolérant aux produits laitiers.

Crédit photo : Pyrénées-Béarnaises

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