Dangers de la graisse saturée : à quand la fin du mythe ?

Article traduit du blog de Mark Sisson Mark’s Daily Apple, avec son aimable autorisation.

Vous pouvez le retrouver sur Twitter et sur Facebook

The definitive guide to saturated fat

Le sujet de la graisse saturée est probablement la raison principale qui empêche les gens d’adhérer totalement au mode de vie primal. Tout le monde est d’accord sur les principes de base : manger plus de légumes verts, choisir des viandes biologiques et plus propres, dormir suffisamment et s’entrainer, tout cela est acceptable car ce sont des notions ordinaires en nutrition. Mais qu’en est-il des graisses saturées ? Les gens sont conditionnés et posent automatiquement la même question.

Avec toutes ces graisses saturées, tu n’as pas peur de boucher tes artères ?

En fait, la “graisse saturée”, pour la plupart des gens, ça n’est pas juste de la « graisse saturée », c’est de la « graisse-saturée-qui-bouche-les-artères ». Une recherche sur Google avec cette appellation exacte (artery-clogging saturated fat) donne environ 5000 résultats.

La plupart des médecins suivent cette tendance et condamnent fermement la consommation de graisse saturée, tandis que les médias emboîtent le pas. Le public, sans surprise, en fait de même. Résultat, une conviction profonde que la graisse saturée c’est diabolique, c’est mauvais et c’est péché. Une opinion préconçue qui ferme la porte à tout dialogue.

Tout le monde « sait » que la graisse saturée bouche les artères, cela est un fait évident pour tous, et le simple fait de remettre en question cette affirmation fait que les gens vous considèrent comme une personne étrange. Après tout, si vous commencez à émettre des « positions-aussi-fondamentalement-incorrectes », comment peut-on croire au reste de votre discours ? Ainsi, toute discussion évoquant la meilleure santé cardio-vasculaire des Tokelau (dont l’alimentation est composée à 50% de graisses saturées) ou des Masai (qui consomment de la viande, du sang et du lait) ou des Inuits (qui mangent depuis toujours des animaux très gras) est ignorée ou méprisée. Et s’ils daignaient simplement écouter les faits, ils reconnaitraient qu’il existe des populations en bonne santé qui consomment des tonnes de graisses saturées mais ils évoqueraient les « adaptations génétiques » ou « les exceptions aux statistiques ». Ce n’est que foutaise, et c’est assez rageant, surtout parce qu’il existe énormément de littérature allant contre l’incrimination de la graisse saturée.

>> Voir les articles de Stephan concernant les Tokelau, les Masai, et les Inuit.

 

L’étude « des sept pays »

Tout a commencé avec le fameux Ancel Keys et son « étude des sept pays » qui faisait la relation entre la consommation de graisse et les maladies cardiaques dans différents pays. Elle fut nommée ainsi en référence aux sept pays pour lesquels on a constaté une augmentation des cas de maladies correspondant à une augmentation de la consommation de graisse. Mais elle aurait dû être nommée « l’étude des vingt pays » en référence à toutes les données qui ont été omises. Des données qui, il faut le dire, démontaient son hypothèse selon laquelle la consommation de graisse provoquerait les maladies cardiaques. Le document faisant état des omissions de Keys a été largement ignoré et est difficile à retrouver mais Peter Over du site Hyperlipid y a eu accès et a montré les graphiques originaux, incluant les données concernant toutes les nations. (Les Masai, Inuit, et Tokelau font partie des points rouges).

original evidence

Je vous mets au défi de tracer une ligne droite entre tous ces points ! Comme vous pouvez le voir, il y a une très faible corrélation entre la consommation de graisse et les maladies cardiaques. Rien de plus que cela : une corrélation. Cela ne confirme rien, excepté la nécessité de conduire des expérimentations contrôlées pour mesurer directement les effets des graisses dans l’alimentation. Malheureusement, cette corrélation a suffit pour que Keys fasse la couverture du Time et soit proclamé père de la science alimentaire. Son hypothèse a eu du succès dans la communauté scientifique et a été considérée comme relevant de la sagesse commune, et c’est toujours le cas aujourd’hui.

Les autres expérimentations menées pour mesurer les effets des graisses saturées ont été non concluantes, mal menées ou n’ont tout simplement pas permis de soutenir l’hypothèse selon laquelle « la graisse c’est le démon ». Mais puisqu’on part du principe que ce que dit l’étude « des sept pays » est la vérité, les autres études sur le sujet sont considérées comme des aberrations alors que les études les plus mal conduites sont considérées comme des références. Pourtant, au même moment, un paire de Keys, le scientifique britannique John Yudkin, avait trouvé bien plus de connections entre la consommation sucre et les maladies cardiaques. Mais son idée n’a pas eu de succès et n’a pas été suivie d’études expérimentales. Keys a eu la couverture du Time et l’adulation du public, Yudkin fut relégué à la rédaction de livres qui ne sont plus imprimés, de lettres dans des revues scientifiques qui ont été ignorées, et qui sont restées dans l’ombre.

>> Pour plus d’information à ce sujet voir le site Good Calories, Bad Calories.
>> Pour un résumé rapide à envoyer aux amis et à la famille inquiets au sujet de votre consommation de graisses saturées, consultez cette petite vidéo de Fat Head.

 

Qu’est-ce que la graisse saturée, réellement ?

On utilise l’appellation acides gras saturés parce que toutes les liaisons carbone-carbone sont simples et comportent le maximum d’hydrogène possible. Elles sont donc « saturées », on ne peut pas y ajouter d’hydrogène, ainsi il n’y a pas de possibilité de rancissement ou de détérioration, tandis que les acides gras polyinsaturés qui contiennent deux paires ou plus de doubles liaisons sans atome d’hydrogène pour occuper la place sont grandement exposés à l’oxydation.

Les acides gras saturés sont stables, résistants à la chaleur et essentiels à nombre de fonctions corporelles. Environ la moitié de notre membrane cellulaire est composée de graisse saturée, et il faut savoir que la graisse saturée d’origine animale, comme le beurre ou les abats, contient une grande quantité de vitamines liposolubles essentielles (K2, A, D, entre autres). Bien sûr, vous pouvez trouver ces vitamines en compléments, mais le simple fait que vous puissiez les trouver dans cette « diabolique » graisse saturée prouve qu’elle n’est pas si diabolique que cela. Des chercheurs ont été étonnés des résultats d’une étude indiquant que des fromages fermentés riches en graisse saturée et contenant de grandes quantités de vitamine K2 pouvaient aider à réduire la mortalité cardio-vasculaire. Mais ils sont vite revenus à leurs premières croyances et ont recommandé d’opter pour des suppléments plutôt que pour de vrais aliments.

La graisse saturée est une fantastique source d’énergie, du moins, si vous croyez que votre corps sait prendre les bonnes décisions. Sinon, pour quelle autre raison stockerions-nous l’excès de glucides sous forme de graisse saturée corporelle ? En fait, lorsque nous brûlons de la graisse corporelle pour la transformer en énergie, que ce soit par le biais de l’exercice ou de l’alimentation, nous consommons de grandes quantités de graisse saturée (et mono insaturée également). Que vous brûliez cette graisse depuis ce qui est stocké dans vos tissus adipeux ou que vous avaliez des flacons de beurre clarifié, toute cette graisse passe par le même processus dans votre corps pour être transformée en énergie. Votre corps traite cette graisse de la même façon. Comme cela a déjà été dit avant par Richard Nikoley et Tom Naughton, perdre du poids, c’est un peu comme manger du lard (qui a presque la même composition que le corps humain au niveau de la composition du tissu adipeux). Dénigrer la graisse saturée, c’est supposer que nos corps auraient développé une sorte de prédilection pour une source d’énergie délétère et contribuant aux maladies cardio-vasculaires. C’est absolument absurde, à moins de penser que la sélection naturelle n’existe pas.

Graisse saturée et cholestérol

Puisque que Keys a été discrédité et qu’il existe de nombreux exemples de groupes ayant un régime alimentaire riche en graisses saturés et jouissant d’une santé cardio-vasculaire optimale (mais « ce sont juste des exceptions »), comment se fait-il que la tendance anti graisses saturées a continué ?

En partie à cause du cholestérol, une autre substance corporelle diabolisée et que notre corps produit de façon naturelle parce qu’elle est totalement indispensable aux fonctions corporelles (mais si vous écoutez les experts, nos corps sont des entités suicidaires auxquelles on ne peut pas faire confiance). Le taux élevé de cholestérol a longtemps été accusé de jouer un rôle dans les maladies cardio-vasculaires. Et étant donné qu’il a été prouvé que les graisses saturées augmentaient les taux de cholestérol, on en a donc conclu que les graisses saturées devaient être évitées. Ça semble logique.

Donc de hauts niveaux de cholestérol sont nocifs, n’est-ce pas ? Pas si vite.

Comme je l’ai déjà expliqué en détail dans un article, le cholestérol total n’est pas suffisant et n’indique pas nécessairement un risque de maladie cardio-vasculaire. Regardez le graphique ci-dessous illustrant le lien entre cholestérol total et maladies cardio-vasculaires. Il n’y a pas de corrélation positive, il y aurait peut-être même une corrélation négative. Ce que l’on voit surtout c’est qu’il n’y a aucune correspondance.

De nos jours, la plupart des “experts” sont d’accord avec le fait que le niveau de cholestérol ne fait pas tout. Ils préfèrent d’ailleurs parler du LDL (« mauvais cholestérol ») qui est augmenté par la consommation de graisse saturée. Manger plus de graisse saturée semblerait augmenter le niveau de LDL (« mauvais cholestérol ») dans certains cas, mais rappelons qu’il augmente aussi le HDL (« bon cholestérol »).

Ok, donc conclusion, la graisse saturée augmente le LDL, ce qui est « mal ». Donc, la consommation de graisse saturée devrait permettre de prédire les maladies cardio-vasculaires, n’est-ce pas ? Et pourtant ce n’est pas ce qui ressort du graphique. Voyez-vous une corrélation ? Moi non.

Oh, attendez, on dit que la graisse saturée augmente aussi les triglycérides qui sont, et je suis d’accord sur ce point, un indicateur de mauvaise santé cardiaque. Sauf que ça n’est pas le cas. C’est la consommation de glucides qui augmente les triglycérides, pas celle de graisse saturée. Nous sommes entre le mensonge grossier et l’ignorance volontaire, ou les deux. Quoi qu’il en soit, le résultat est que l’on continue à diaboliser les graisses saturées. Le lecteur lambda va consulter des revues, regarder les titres et se concentrer sur des phrases telles que « …consommer beaucoup de graisses saturées peut augmenter les triglycérides.»

En ce qui concerne les maladies cardiaques, j’attends toujours de voir des travaux prouvant réellement que les graisses saturées y contribuent. Certes, elles augmentent le LDL, mais ce LDL est large, peu dense et quasiment impossible à oxyder. La théorie de Layman selon laquelle les graisses saturées bouchent les artères comme de la graisse dans un tuyau n’est plus prise au sérieux par les chercheurs qui savent que c’est surtout un problème d’inflammation et de LDL oxydé. Cependant, c’est toujours l’explication qui est mise en avant pour dire que la graisse saturée est nocive. Nous savons que le ratio HDL/triglycerides est un meilleur indicateur de la santé cardio-vasculaire que le LDL, mais le LDL continue de monopoliser toute l’attention.

L’hypothèse alternative (celle qui semble la plus sensée) vise plutôt les graisses polyinsaturées et le déséquilibre des ratios Omega-6/Omega-3 plutôt que la consommation de graisses saturées qui n’a pas tant d’importance que cela, dans un sens ou dans l’autre. Les données d’observation ne tiennent pas debout, le processus physiologique réel n’est pas expliquée, et le corps semble préférer la graisse saturée.

Je me demande donc, puisque nous savons que les artères ne se bouchent pas à cause de la concentration d’acides gras dans le sang et puisque les acides gras saturés ne sont pas enclins à l’oxydation, quel est le problème ?

Graisses saturées et cancer

On a également essayé de faire le lien entre les graisses saturées et certaines formes de cancers. Sein, colon, pancréas ou autre, peu importe, vous trouverez toujours des chercheurs qui ont mis en garde contre la consommation d’acides gras saturés et annoncé que ces derniers constituaient un risque majeur. Mais toutes les études qui suggèrent un lien entre graisse saturée et cancer sont uniquement observationnelles. Il ne s’agit pas d’études contrôlées et les informations relatives à l’alimentation sont souvent obtenues à l’aide de questionnaires demandant simplement aux sujets de décrire leurs habitudes alimentaires des 5 dernières années. Ces personnes plus ou moins âgées, ayant des vies chargées et stressantes sont sensées de souvenir de la façon dont elles ont mangé pendant 5 ans ? S’il vous plait… Et quand bien même l’un d’entre eux devait se rappeler de tout ce qu’il a consommé, en quoi cela permettrait-il de prouver qu’il y a une corrélation avec le cancer ?

Tout ce que cela nous dit, c’est que l’alimentation occidentale qui contient des énormes quantités de céréales, de sucres, de féculents, de margarines, d’huiles végétales et oui, également de la viande rouge et des « graisses-saturées-boucheuses-d’artères » est mauvaise pour nous. Les chercheurs ont beau se concentrer sur un seul aspect de l’alimentation (les graisses saturées), cela ne nous apprend rien de plus, si ce n’est que les graisses saturées ont mauvaise réputation. Est-ce mérité ? On ne peut pas tirer de telles conclusions simplement en partant d’une étude observationnelle qui comprend des dizaines de variables. Et on trouve dans la presse des titres alarmants : “De la graisse saturée au cancer du pancréas”, “Cancer du colon et viande rouge : votre steak vous tue-t-il ? », etc.

Je pense que le travail que j’ai effectué pour démonter la récente et effrayante étude portant sur la viande rouge (plus précisément sur la graisse saturée) est plutôt correct. Comme l’a fait d’ailleurs le docteur Micheal R. Eades.

Qu’en est-il de la position de Cordain ?

Même s’il est un peu revenu sur sa position récemment, Loren Cordain maintient toujours que les graisses saturées n’ont jamais représenté une part importante de l’alimentation paléolithique. Il suggère même que, parce qu’elles augmentent le LDL, les graisses saturées jouent un rôle dans les maladies cardio-vasculaires. Bien que nous lui devions beaucoup pour son énorme travail concernant l’alimentation de nos ancêtres et pour le fait qu’il a mis en avant les dangers des céréales, des légumineuses et des sucres, je crois qu’il est évident qu’il fait fausse route en condamnant les graisses saturées (même s’il a tempéré son opinion récemment).

Tout d’abord, l’homme a une préférence gustative pour la graisse saturée, nul doute là-dessus. Si on vous donne le choix entre un blanc de poulet et une cuisse bien charnue et croustillante, la plupart d’entre vous choisiront instinctivement la cuisse. Le conditionnement social anti-graisse poussera peut-être certains d’entre vous à choisir le blanc mais les parties grasses sont plus goûteuses. Je pense que même Cordain serait d’accord pour dire que nos ancêtres seraient allés instinctivement vers la cuisse. Là où nous ne sommes pas d’accord, c’est concernant l’accès qu’ils avaient à ce type de nourriture. Cordain pense que les acides gras disponibles étaient principalement des acides gras mono-insaturés, et je doute que ce soit aussi tranché. Selon Mary Enig et Sally Fallon de la Weston A. Price Foundation, la composition des acides gras du gibier sauvage disponible pour les natifs américains variait mais les sources de graisse les plus prisées (les rognons) étaient principalement saturées.

Vilhjalmur Stefansson, passionné par le régime riche en graisse des Inuits, a passé un temps considérable avec les indiens d’Amérique du nord et a constaté qu’ils semblaient chasser les animaux de façon sélective. Ils délaissaient les jeunes veaux et choisissaient les plus vieux caribous, ceux ayant une grande quantité de graisse, cette graisse étant à 50% saturée. Il s’agit là d’animaux modernes, mais néanmoins sauvages, et je ne vois pas comment les grands animaux consommés par nos ancêtres auraient pu être moins riches en graisses saturées.

Cordain reconnait lui-même que l’alimentation des chasseurs-cueilleurs était souvent à plus de 50% d’origine animale (parfois même jusqu’à 70%), et il suggère que les acides gras des ruminants sauvages du continent africain (que l’on compare au gibier sauvage disponibles pour nos ancêtres) ont une composition assez similaire à celles des bêtes élevées en pâturages.

Je mange beaucoup de steak issu d’animaux élevés en pâturages, et je peux vous dire qu’il y a pas mal de graisse sur certains morceaux. C’est une viande plus maigre que celles des animaux nourris au grain, mais pas tant que ça. De plus, si l’on considère que les chasseurs-cueilleurs utilisaient l’animal entier, dont les abats, il est clair que les graisses saturées étaient consommées en quantités considérables pour beaucoup de groupes, peut-être pas tous, mais ce n’était certainement pas rare.

Les arguments à l’origine de cette tendance anti graisse saturée qui est maintenue depuis un demi-siècle ne sont pas fondés. Même si la graisse saturée augmente le LDL (mais un LDL large et peu dense), elle augmente aussi dans le même temps le HDL (cholestérol protecteur), et il n’a jamais été explicitement prouvé que la mortalité cardio-vasculaire augmentait à cause de la consommation de graisse saturée.

Plusieurs études ont été menées. Elles sont citées comme argument alors que les résultats ne sont pas concluants. L’étude du Finnish Mental Hospital, à laquelle se réfèrent souvent les critiques de la graisse saturée a été discreditée à cause d’un manque de contrôle. Quant à l’étude du Lyon Diet Heart, elle prétend que des améliorations sont dues à de plus bas de niveaux de graisse saturée, alors que les résultats positifs venaient d’un meilleure ratio Omega-6/Omega-3.

(Si plus d’information concernant les graisses saturées vous intéresse, visitez des sites tels que Whole Health Source, Hyperlipid, Free the Animal, pour ne citer qu’eux.)

La chose la plus importante que nous puissions faire c’est nous unir pour aller contre cette dangereuse et contre-productive sagesse commune. Nous avons beau avoir les preuves scientifiques de notre côté, comme les cent dernières années de nutrition le prouvent, ce n’est pas toujours suffisant.

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