Trigger foods : les aliments qui provoquent des fringales

Manger un peu de tout ?

« Manger de tout, en quantités raisonnables ».

C’est une phrase qui semble emplie de sagesse et de modération. Il n’est pas rare de l’entendre, y compris venant de la part du personnel médical. Après tout, c’est simple non ? Pourquoi compliquer les choses lorsque l’on peut faire simple, ne pas s’interdire d’aliments, ne pas focaliser sur des quantités, et simplement manger un peu de tout, de façon variée, sans exagérer dans les quantités…

C’est bien beau, mais il faut bien un mais, il faut reconnaitre que c’est loin d’être un propos sage. Si cela peut marcher au départ pour certaines personnes, notamment celles dont l’alimentation était catastrophique, en y regardant de plus près, c’est plutôt une des phrases les plus vides de sens qui puissent exister dans le domaine de l’alimentation.

En ce qui concerne le fait de manger de tout, comme vous le savez, tous les aliments de ne se valent pas. Ils sont différents à différents niveaux : densité nutritionnelle, index glycémique, capacité à rassasier, potentiel allergisant, etc. Et c’est d’autant plus compliqué qu’en plus de ces différences entre aliments, il existe des différences entre individus. Selon notre profil, nous allons réagir différemment à la consommation de certains aliments (hormones, sensibilités alimentaires, profil brûleur de sucre ou de graisse, état psychologique, hygiène de vie, etc.). On ne peut donc pas encourager à manger de tous les aliments sans distinction et sans être attentif à la réaction que ces aliments peuvent provoquer de façon différente selon les individus. C’est le principe même de l’individualité des profils et c’est là tout l’intérêt du Biofeedback, la compréhension et l’adaptation aux signaux envoyés par notre corps.

Aujourd’hui, nous allons nous intéresser particulièrement à un aspect de cette individualité avec ce que l’on on appelle des trigger foods. Ce sont les aliments qui créent une perte de contrôle une fois consommés [1][2] : l’impossibilité de se contenter d’une certaine quantité d’un aliment et/ou l’envie soudaine de manger d’autres aliments principalement gras et/ou sucrés. Les fameuses chips dont on ne prend au départ qu’une poignée pour finalement finir le paquet, cela vous dit quelque chose ?

Si certains sont assez communs et fréquents, ne vous attendez pas à une liste figée car les trigger foods dépendent de chaque personne. Ce qui provoquera des fringales chez les uns uns ne le fera pas forcément chez d’autres, et inversement.

Cela nous amène à la seconde partie de notre phrase : « en quantités raisonnables ». Vous le savez, la sensation de faim est un des facteurs qui jouent le plus dans la réussite ou l’échec des régimes amincissants. Il convient déjà de chercher la satiété plutôt que de se limiter à des quantités que l’on devrait considérer raisonnables pour tous. Une sensation de faim continue ne fait que générer de la frustration et augmenter le risque de se rattraper par la suite. Et c’est encore pire si l’on tient compte de l’action des trigger foods qui nous poussent à manger encore plus des mauvais aliments. On se retrouve dans une situation où le « Manger de tout, en quantité raisonnable » relève plus de l’auto-sabotage que de la sagesse nutritionnelle.

De quoi s’agit-il ?

Nous avons déjà évoqué les fringales dues à un état émotionnel face auquel notre cerveau répond systématiquement avec une envie de s’alimenter. Nous avions parlé des fameux « 3R » : Rappel, Routine et Récompense.

Concernant les trigger foods, cette réaction n’est pas due à l’environnement mais à la réaction chimique provoquée par un aliment. Cela peut se faire à différents niveaux :

– En activant les zones du cerveau liées au système de récompense [3], que ce soit par le goût ou même par l’odorat (parfois le simple fait de sentir l’odeur d’un aliment peut déclencher une fringale),

– en générant une réponse insulinique exagérée,

– en générant une sensation de fatigue qui sera ensuite interprétée comme une sensation de faim.

Il est donc important, tout d’abord, de bien faire la distinction entre les aliments conforts qui nous rassurent, les aliments pour lesquels nous avons une préférence gustative, et les trigger foods, ces aliments qui provoquent une perte de contrôle qui n’a pas de rapport avec l’état émotionnel dans lequel nous étions précédemment.

Quels sont-ils ?

Comme nous l’avons déjà dit, les réactions sont individuelles. Cependant, ce sont souvent les mêmes aliments qui reviennent sur la liste des coupables :

– Les aliments qui sont à la fois riches en sucres et en graisses : crèmes glacées, pâtisseries, etc.

– Les aliments à la fois riches en sel et en graisse : chips, frites, noix salées, etc.

– Les produits laitiers

– Les aliments à fort index glycémique : sucre, céréales raffinées, certains fruits [4]

– L’alcool

Cette liste n’est pas exhaustive mais elle peut vous permettre de vous mettre sur la voix.

Le cas des édulcorants

Le fait de consommer des produits sucrants artificiels « sans calorie » dans le but de perdre du poids peut s’avérer être du sabotage [5].

En effet, si les édulcorants arrivent à tromper notre palais en lui apportant le goût sucré qui leur plait tant, le cerveau n’est pas dupe. En consommant des produits sucrants, qu’ils soient naturels ou artificiels, nous déclenchons les mêmes mécanismes du goût et du plaisir. Cependant, le cerveau fait la différence et s’attend à ce que l’aliment consommé contienne une certaine quantité de calories, ce qui n’est pas le cas avec les édulcorants, et la satisfaction ne peut pas être complète.

S’ensuit alors une réaction de compensation par laquelle notre cerveau cherche à rattraper ces calories manquantes, et donc une sensation de faim toujours présente et l’envie de consommer des aliments hautement caloriques.

Comment y remédier ?

1- Identifiez la cause de votre fringale

Avant tout, il faut que vous connaissiez la raison pour laquelle vous éprouvez une sensation de faim. Avant de penser aux trigger foods, d’autres raisons peuvent être explorées :

– Une alimentation trop restrictive. Dans ce cas, il est intéressant de vous intéresser à la quantité de nutriments consommés, avec l’analyse du biofeedback (faim, fatigue, fringales, moral…),

– Des fringales dues à un état émotionnel,

– Une routine sportive qui favorise la sensation de faim.

Une fois ces pistes écartées, vous pouvez envisager l’influence d’un aliment qui provoque directement la sensation de faim par des processus chimiques.

2- Identifiez les aliments en cause

Soyez attentifs, aux moments où vous ressentez ces fringales ou perdez le contrôle et n’arrivez pas à vous restreindre à une certaine quantité. Notez les aliments qui ont été consommés à ce moment et vérifiez sur le long terme si ce sont toujours les mêmes aliments qui provoquent ces réactions.

L’idéal est de tenir un journal quotidien de vos repas. Vous y noterez tous les aliments consommés à chaque repas, ainsi que les réactions de votre corps tout au long de la journée (faim, fatigue, moral, etc.). Cela vous permettra d’avoir plus de recul et d’analyser les choses de façon plus précise.

3- Videz les placards et trouvez des substituts

Une fois les aliments en cause identifiés, la solution la plus efficace est de ne pas les consommer. Ça tombe bien, ce sont souvent de toute façon des aliments qui favorisent le stockage de graisse. Le mieux à faire, c’est de vider vos placards et de ne pas les faire figurer dans votre liste de course.

Facile à dire, pas à faire ? Vous pouvez trouver des substituts à ces aliments qui vous apporteront la même satisfaction au niveau du goût, sans les inconvénients. Par exemple, si la farine blanche est votre trigger food, optez pour des versions paléo de certains plats (enlevez le bun dans vos burgers, replacez une pâte à pizza classique par une pâte à base de viande, utilisez des nouilles Shirataki à la place des pâtes, etc.).

4- Accordez-vous des jokers intelligents

Pour éviter les frustrations, il peut être bénéfique de vous accorder des jokers ponctuels. Seulement, pas besoin d’aller dans l’exagération.

Planifiez votre joker à l’avance de sorte qu’il ne s’agisse pas d’une pulsion alimentaire, prévoyez la juste quantité pour éviter d’avoir des restes qui vous tenteront, accompagnez votre joker d’un aliment très rassasiant (protéines, légumes riches en fibres, etc.), mangez lentement et appréciez pour ne pas rester sur votre faim.

Sachez qu’à l’inverse des trigger foods, il y a ce que l’on appelle les buffer foods. Ces aliments, utilisés intelligemment de façon hebdomadaire voire quotidienne, permettent de diminuer les fringales, la faim ou la sensation de fatigue. Ils s’agit d’aliments qui influent de façon positive sur les mécanismes de récompense dans le cerveau. On peut citer notamment le cacao (l’arme anti-fringales par excellence), les graines oléagineuses non salées ainsi que leurs beurres (peanut butter, etc.), l’avocat, etc. N’ayez pas peur de la valeur calorique de ces aliments qui ne sont pas forcément synonymes de prise de poids, à condition de ne pas avoir une consommation importante de glucides.

5- Ne suivez pas de « plan alimentaire » rigide

C’est le point le plus important et je ne le répèterai jamais assez. En matière de nutrition, tout est question d’individualité des profils. Cet article n’en est qu’une illustration parmi de nombreuses autres. Il est souvent contre-productif de se borner à suivre un plan alimentaire figé, sensé pouvoir convenir pour tout le monde, avec des menus détaillés et des quantités établies en fonction de critères vagues (poids, IMC, etc.). S’ils peuvent marcher sur les uns, pour beaucoup ils seront inefficaces en terme de perte de poids sur le court terme ou ils marcheront un temps mais seront générateurs de fatigue, de fringales, de carences et de baisse de moral avec les conséquences négatives que l’on connait sur le moyen/long terme (reprise du poids et même plus, dérèglements, etc.)

Si l’aide d’une personne qualifiée est toujours profitable si elle s’inscrit dans une démarche personnalisée, vous êtes la personne la plus à-même d’interpréter les réaction de votre corps et vous ne devez donc pas sous-estimer votre capacité à faire de bons choix.

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[1] Wardle J., Institute of Psychiatry, University of London, U.K., 1990. Conditioning processes and cue exposure in the modification of excessive eating

[2] Ferriday D, Brunstrom JM., Department of Experimental Psychology, University of Bristol, 2008. How does food-cue exposure lead to larger meal sizes?

[3] Tang DW, Fellows LK, Small DM, Dagher A., Department of Psychology, McGill University, Montreal Neurological Institute, 2012. Food and drug cues activate similar brain regions: a meta-analysis of functional MRI studies.

[4] Belinda S Lennerz, David C Alsop, Laura M Holsen, Emily Stern, Rafael Rojas, Cara B Ebbeling, Jill M Goldstein, David S Ludwig, New Balance Foundation Obesity Prevention Center, Boston Children’s Hospital, 2013. Effects of dietary glycemic index on brain regions related to reward and craving in men

[5] Yale Journal of Biology and Medicine, 2010. Gain weight by “going diet?” Artificial sweeteners and the neurobiology of sugar cravings

Crédit photo : Roboppy

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